Les grands concepts psychodynamiques à l’œuvre
1. Inconscient, conflit et symbolisation
La psychanalyse a posé l’idée que le psychisme n’est jamais transparent à lui-même. Freud, puis Lacan, ont souligné l’importance du symptôme comme formation de compromis, révélant la conflictualité interne. L’art-thérapie s’inscrit dans ce sillage : l’acte de créer devient un mode d’expression indirect, métaphorique, des représentations et des affects souvent inaccessibles à la parole.
- La symbolisation représente un enjeu central : transformer ce qui est de l’ordre du vécu corporel, de l’émotion brute, en une forme (image, trace, objet) qui puisse être élaborée, partagée, contenue.
- Le processus créatif favorise l’association libre (cf. Freud), permettant la réémergence de fragments mnésiques, d’affects, de souvenirs latents sous une forme non verbale.
2. Les mécanismes de défense et leurs traces dans la création
Dans l’atelier, le patient mobilise – souvent de manière inconsciente – des mécanismes de défense pour préserver son équilibre psychique face à des éléments déstabilisants. Sublimation, clivage, déni, projection… L’art-thérapie permet parfois d’observer, au fil des séances :
- Le passage d’un mode défensif archaïque (ex. : destruction, effacement, répétition stérile) vers des élaborations plus structurées (construction, jeu chromatique, narration picturale).
- La possibilité de déplacer des conflits internes vers la matière, offrant un "espace potentiel" de transformation (cf. Donald Winnicott).
3. L’objet médiateur et la triangulation thérapeutique
L’objet plastique agit comme un tiers, un médiateur transférentiel, qui structure la relation entre patient et thérapeute. Il permet d’introduire la triangulation nécessaire à tout processus thérapeutique :
- Le patient n’est pas seul face au thérapeute ; il interagit aussi avec un objet créatif qui porte, contiend, parfois joue le rôle de témoin.
- Cet espace-objet, ni totalement interne ni totalement externe, constitue ce que Winnicott appelait l’aire transitionnelle, lieu d’expérimentation psychique où peuvent advenir des transformations majeures.
4. Le transfert et le contre-transfert dans la création
La dynamique transférentielle – ensemble de projections affectives du patient sur le thérapeute et inversement – connaît en art-thérapie une modalité singulière : l’œuvre elle-même récolte une part de ces mouvements. Elle devient relais ou écran de projections, support d’énigmes, terrain de jeux identificatoires. C’est souvent à travers les variations dans la production plastique, dans la manière d’investir matière et couleur, que se laissent entrevoir des indices précieux sur le vécu transférentiel.